« Salles blanches » ? Quelles salles blanches ?

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Alors qu’en France, on investit des sommes colossales dans les fameuses salles dites « blanches » ou « propres » pour réaliser des interventions sur le système d’injection des moteurs, au Maroc, on préfère, et de loin, réparer lesdits injecteurs. Au menu donc : pas de salles blanches et peu d’injecteurs neufs.

Qu’on se le dise : le marché de l’injection au Royaume du Maroc est loin d’être anecdotique. Ainsi, plus de 85 % du parc de véhicules légers roule au Diesel et le taux de remplacement des injecteurs, notamment Common Rail, reste bien supérieur aux taux des pays européens. De plus, entre l’âge moyen du parc roulant (10 ans), la qualité médiocre du carburant, les conditions climatiques extrêmes, le trafic dense dans les zones urbaines, le mode de conduite ou encore l’état des routes, les composants du système d’injection ont de quoi être impactés. Ce qui favorise, de fait, leur remplacement. Côté poids lourds, le parc, exclusivement diesel, ne cesse de grandir ce qui, par ricochets, « contribue également à la croissance du marché de l’injection, en raison des besoins d’entretien à intervalles réguliers et du kilométrage moyen effectué par ces véhicules», explique Daniel Berreby, directeur communication et trade marketing, Delphi Solutions Produits & Services Europe, Moyen-Orient et Afrique. Bien.

Mais si le marché existe manifestement en rechange, cela ne signifie pas pour autant que les interventions sur les injecteurs sont réalisées dans les règles de l’art…

Pas de place pour le neuf ?

Pour intervenir sur un système d’injection, il existe trois solutions. Soit le garagiste a recours à des organes complets neufs, identiques aux injecteurs livrés en première monte. Soit il peut s’orienter vers des injecteurs rénovés directement dans l’environnement usine de l’équipementier, « utilisant des composants d’origine et testés avec les mêmes moyens que nos injecteurs série », précise Daniel Berreby. Soit, enfin, il peut effectuer une réparation lui-même. En l’occurrence, ces garagistes-ci sont sous l’égide officielle d’équipementiers tels que Delphi. De vrais spécialistes de l’injection suivant scrupuleusement des processus d’intervention très stricts. « Ces agents officiels sont alimentés en pièces d’origine par nos distributeurs Delphi, comme Standard Auto Accessoires au Maroc. Les réparateurs officiels sont formés conjointement par les équipes techniques Delphi et par les équipes techniques de nos distributeurs nationaux. Ils utilisent exclusivement des moyens de test officiels et validés par Delphi, comme les bancs de test Hartridge », poursuit Daniel Berreby. Autant dire qu’ils ne sont pas légion sur le marché marocain. Plus compétitive et plus rapidement disponible, la pièce rénovée officielle a tendance à intéresser, avant tout, le marché du PL.

Injecteur Diesel DELPHIMais pour ce qui concerne la grande majorité des VL et VUL, le marché indépendant opte en priorité pour la réparation des pompes et injecteurs, certes, à condition, en grande majorité, de faire fi des contraintes liées aux interventions sur ce type de pièces. « Pour éviter les problèmes de garantie très stricte liés aux injecteurs neufs sous vide, les distributeurs préfèrent éviter de les vendre. De fait, c’est surtout de la réparation. Là aussi, évidemment il y a des contraintes, mais il leur suffit de prendre des têtes d’injecteur et si cela ne marche pas, ils en remettent une autre, c’est aussi simple que cela ! », constate Eric Coquet, directeur général de VEGE France. Seules exceptions : la rechange constructeur et certains propriétaires de flottes de véhicules qui prêtent un véritable intérêt aux pièces neuves.

L’échange standard reste donc marginal au Maroc. Plus cher qu’une réparation, il est également accompagné d’une consigne incitant les ateliers ou les utilisateurs finaux à retourner la vieille matière, c’est à dire la carcasse de l’injecteur à réparer. « Or, cette consigne, explique Daniel Berreby, peut être perçue comme une contrainte, qui s’associe à un facteur plus « culturel », l’utilisateur final au Maghreb étant parfois réticent à l’idée de retourner une pièce endommagée qu’il a de fait payée lors de l’achat de son véhicule, même si l’injecteur est hors d’usage ».

Salle blanche

La valse des contraintes

Et des contraintes, sur les systèmes d’injection, il y en a quelques unes. Car les organes diesel (injecteurs, pompes, etc.) sont des composants de précision issus d’une technologie de pointe. En effet, la pression de l’injection peut atteindre 2000 bar, et on parle d’une précision de l’ordre du micron. La moindre poussière peut donc gripper l’injecteur. Or, si les ateliers souhaitent réaliser des interventions de qualité ils n’ont d’autres choix que de respecter certaines règles : un équipement technique important, une salle dite « propre » ou « blanche » pour éviter l’intrusion de particules et la contamination des composants, des outils spécifiques pour démonter ou reposer les injecteurs, qui sont dotés de connectiques électriques ou électroniques et qui peuvent être endommagées si l’intervention n’est pas effectuée avec les bons outils… Sans compter que l’arrivée du Common Rail n’a évidemment pas simplifiée la chose : « Pour les systèmes Common Rail, nous exigeons un niveau environnemental de propreté élevée, que ce soit pour l’intervention sur les véhicules ou la rénovation des composants dans des ateliers spécialisés : atmosphère à température, hygrométrie et niveau d’impureté contrôlés », souligne Jean-luc Mérimée. Des exigences qui requièrent des investissements lourds, très lourds. Investissements quasi impossibles à supporter pour un garagiste indépendant au Maroc. Moralité, pour Continental :
« Il n’y a, sur le marché, quasiment pas de réparateurs officiels, agréés par les équipementiers. La problématique est le coût des investissements pour contrôler et valider les pompes et injecteurs rénovés, soit environ 250 000 € pour les 2 bancs pour les solutions officielles les plus simples en Delphi et Continental. Idem pour Bosch ».

Des réparateurs armés ?

Autre contrainte d’importance : la formation. Car qui dit organes de haute technologie dit, forcément, formations spécifiques. Apprendre à manipuler, démonter, réparer des composants de système d’injection dans des conditions optimales, cela ne s’invente pas. Certes, les équipementiers spécialistes de la question mettent tout en œuvre pour que les garagistes deviennent de vrais spécialistes. Des formations dispensées par des experts techniques, des distributeurs équipés d’ateliers de réparation ad hoc, mais également des centres de formation d’excellence un peu partout dans le monde (Delphi en compte 5 à lui seul)… Rien n’est laissé au hasard. « Bien formés et bien équipés, les ateliers algériens sont tout à fait capables de gérer les contraintes liées aux interventions sur les systèmes d’injection diesel, même les plus modernes. Nous en voulons pour preuves les ateliers officiels existants actuellement au Maroc », s’enthousiasme Daniel Berreby. Seulement voilà, les salles blanches dans tout le Royaume, ce n’est pas vraiment pour demain. Car au-delà de l’aspect financier des dites salles, il y a encore un important travail de sensibilisation à faire, auprès des garages et des ateliers, sur l’importance de la réparation officielle et du respect des normes. Trop souvent encore, des ateliers peu scrupuleux disent « réparer » des injecteurs à des prix très bas. Enfin réparer, façon de parler. Car sans équipement, sans formation, et en utilisant parfois des pièces dites « adaptables » ou de contrefaçon, la réparation initiale peut apparaître certes, très économique, mais peut endommager durablement le moteur, sans parler de l’impact écologique engendré par un moteur diesel qui serait mal entretenu ! « On le voit par exemple avec la COP22 qui s’est tenue récemment à Marrakech : les marocains et les algériens sont de plus en plus sensibles à l’aspect environnemental, et doivent garder à l’esprit qu’en faisant bien entretenir leur véhicule, ils font un geste pour la planète », illustre Daniel Berreby… tout en préservant à long terme leur véhicule et leur porte-monnaie !

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.rechange-maroc.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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