Le Groupe Argus s’implante en Algérie

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Alors que l’Argus entre en Algérie, et entend proposer plusieurs services à la distribution automobile dont sa fameuse cote, il nous a semblé important de mieux faire connaître ce groupe français de 90 ans, ses valeurs (dans tous les sens du terme) et son internationalisation, qui a commencé par le Maroc. Sa Présidente, Alexandrine Breton des Loÿs, assistée de son directeur général Jean-Pierre Gauthier, a accepté de répondre aux questions d’Algérie Rechange.

Alexandrine Breton des Loÿs, Présidente, Groupe Argus

Vous fêtez les 90 ans de L’argus, le journal dédié à l’automobile ; l’entreprise a bien changé depuis sa naissance, comment définiriez-vous le Groupe Argus aujourd’hui ?

Notre groupe se veut avant tout familial et indépendant ; son activité se compose de quatre métiers, à commencer par son métier historique, l’information professionnelle et grand public, via le journal papier comme les sites Internet. Nous sommes également, depuis 2003, un éditeur de logiciels à destination des professionnels de l’automobile, un marché sur lequel nous sommes devenus leader. Une troisième activité, que nous regroupons sous le nom d’Acquisition, comprend divers services que nous mettons à la disposition des professionnels pour les aider à conquérir de nouveaux clients, notamment via les produits digitaux, les sites internet, le re-marketing, l’achat de mots clés etc. L’agence Argus Conseil constitue le quatrième pilier, agence que nous avons acquise en même temps que Digital Dealer Factory. 250 personnes travaillent actuellement au sein du Groupe Argus, entre Nantes (logiciels), Paris et Toulouse (sites Internet). Sans parler de nos filiales de Casablanca et d’Alger, cette dernière ayant été créée ce mois-ci.

Vous avez beaucoup investi dans le digital, est-ce la fin programmée des éditions papier ?

La problématique ne se pose pas réellement en ces termes. Nous sommes sortis d’un journal 100 % papier dès 1985, en investissant l’outil Minitel, puis, en 1995, en utilisant le media Internet. Aujourd’hui, la presse ne représente que 10 % de l’activité du Groupe… C’est pourquoi je préfère parler de l’info, quel que soit son canal, qui a encore un grand avenir devant elle ; il suffit, pour s’en convaincre, d’évoquer les sept millions de visiteurs uniques que nous comptabilisons par mois, dont 60 % dirigés sur l’information ! Les gens sont friands d’information, et d’information de qualité, ce qu’ils reconnaissent au Groupe Argus. Maintenant, sont-ils prêts à la payer ? Le grand public, grâce ou à cause d’Internet, s’est habitué à obtenir tout gratuitement. En revanche, les professionnels continuent à s’intéresser au journal papier pour sa qualité, et à payer pour cela. Il n’en demeure pas moins que les tournants que nous avons pris, tant avec le minitel qu’internet et les autres activités, permettent au Groupe Argus d’afficher une bonne santé que d’aucuns lui envient aujourd’hui, pour n’avoir pas effectué ces choix quand il le fallait.

Aujourd’hui, on peut dire que l’Argus est une société de services ?

Il serait plus juste de parler d’information, qu’elle soit chiffrée ou qu’elle soit écrite. Notre rôle consiste à délivrer le plus d’informations possibles à nos clients, professionnels ou particuliers. Nous proposons des cotes, des valeurs, des informations marché, réseau, produits, process, etc.

Lorsqu’on se penche sur les dates clés du Groupe, on s’aperçoit que vous avez multiplié les acquisitions ; était-ce par opportunité, ou suivant une stratégie orchestrée de longue date ?

Nous avons perçu très rapidement, dans les années 2000, qu’Internet allait bouleverser le métier de la distribution automobile. Or, nous avions la certitude d’être un acteur qui pouvait accompagner l’évolution de leurs métiers et faciliter la transition vers le média Internet pour les professionnels. Autant les sociétés que nous avons acquises l’ont été par opportunité, autant le choix de ces acquisitions a toujours été motivé par notre stratégie d’apporter les outils dont la distribution avait besoin, au moment où elle en avait besoin. D’où notre décision de devenir actionnaires du logiciel de gestion Planet VO®, qui nous était apparue comme une diversification essentielle de notre offre de valorisation et d’information.

Nous avons, par la suite, intégré de nouveaux métiers additionnels à ces deux piliers initiaux. Je dois ajouter que la réussite de notre première acquisition nous a placés dans un état d’esprit d’ouverture et d’écoute, d’audace aussi, qui a présidé à bien des diversifications. Jean-Pierre Gauthier, notre directeur général, a joué un grand rôle dans ce mouvement.

Quelles sont les prochaines étapes qui se dessinent pour le Groupe ?

Deux champs de développement sont actuellement en cours : d’une part, enrichir nos données de valorisation afin d’accompagner nos clients davantage encore – dans ce secteur, notre structure fait partie des plus importantes et des mieux organisées sur le marché – et, d’autre part, progresser à l’international, en Afrique, principalement.

Concernant votre développement à l’international, pourquoi vous êtes-vous intéressés d’abord au Maghreb, à l’Afrique, plus généralement ?

La plupart des pays européens disposent déjà de sociétés bien implantées dans le secteur ; nous ne cherchions donc pas à croître absolument en prenant des parts de marché dans tel ou tel pays, d’autant plus que nous avions encore une forte marge de progression auprès de nos clients français. Il s’avère qu’au Maroc, ce sont les importateurs de Renault et de Peugeot qui sont venus vers nous afin de bénéficier de valeurs sur le marché de l’occasion. Nous avons décidé de les accompagner au Maroc, mais aussi dans d’autres pays, comme en Europe de l’Est, lorsqu’ils nous le demandaient. C’était plus un souhait exprimé qu’une réelle commande de leur part, mais il nous est apparu important de suivre, quitte à mobiliser beaucoup de ressources. Par ailleurs, c’est aussi notre valeur ajoutée que nous mettons en avant, puisque nous sommes les seuls à pouvoir créer une cote sans qu’il y ait de données existantes. Tout créer en partant de zéro, nous savons le faire et nous sommes identifiés comme les experts de ce domaine : c’est un vrai métier qui exige également de l’investissement et du temps.

image 1Au Maroc, comment êtes-vous organisés ?

L’Argus au Maroc comprend désormais huit employés dans la filiale Argused. Nous avons eu la chance de bénéficier du savoir-faire de notre plus ancien expert en valorisation, qui a travaillé à la construction de la cote au Maroc pendant les deux dernières années avant sa retraite, et qui continue à nous aider à l’enrichir, en se rendant à Casablanca tous les mois. Sur place, nous disposons de développeurs, de conseillers clientèles, de marketeurs…

Quelles sont les contraintes que vous rencontrez par rapport à la France ?

Il faudrait se replacer dans le contexte de 1927 pour établir une comparaison ! Ce que l’on peut dire de l’objectif des fondateurs s’énonce ainsi : donner de la transparence au grand public sur les valeurs des véhicules d’occasion. Ce qui n’était pas forcément du goût des professionnels, qui préféraient s’arranger entre eux ! La reconnaissance est venue lorsqu’il a fallu indemniser les propriétaires de véhicules réquisitionnés pendant la guerre, indemnisation qui nécessitait une évaluation fiable et neutre. Il a fallu 15 ans pour qu’on se tourne vers nous et qu’on soit reconnus ! Au Maroc et en Algérie maintenant, la difficulté réside dans le fait de changer les usages, sur des marchés qui sont à la fois naissants et modernes, et qui exigent que l’on soit capables de s’adapter. Nous devons imaginer des méthodes spécifiques au Maroc et en Algérie, et accepter qu’elles soient différentes sans essayer d’imposer un modèle. Cela suppose aussi de démontrer la nécessité de sortir d’un marché informel… Il faut lutter contre une organisation en place qui ne voit pas forcément le bénéfice de ce qu’on est en train de faire.

Pensez-vous participer à la professionnalisation de la filière, d’une certaine manière ?

En donnant un prix, en apportant de la transparence sur le marché, nous participons à la professionnalisation d’un secteur qui nous l’a demandé.

Le Maroc constitue-t-il une plate-forme pour, à terme, servir votre développement en Afrique ?

Notre objectif consiste à répondre aux demandes des pays en exerçant notre métier de « coteur ». Bien évidemment, il s’agit essentiellement de pays francophones et nous recevons aujourd’hui des demandes émanant de Cote d’Ivoire, du Bénin et d’Algérie. C’est en ce sens que nous venons d’ouvrir un bureau en Algérie, placé sous la responsabilité de Mourad Saadi, qui développera une cote du VO dans ce pays. Lorsqu’on vient vers nous, c’est pour donner un prix conforme au marché dans des pays qui sont des points d’entrée de véhicules d’occasion, en provenance des États-Unis ou d’Europe. Des points d’entrée où il est courant de dévaloriser les prix des véhicules pour échapper aux taxes ou pour les réduire. L’équipe marocaine sert donc notre développement en Afrique, en apportant son savoir-faire et son équipe.

Vous venez d’entrer en Algérie, n’est-ce pas là un marché trop difficile à évaluer, dans la mesure où le gouvernement a mis fin aux importations de véhicules neufs et, de ce fait, modifié structurellement le marché de l’occasion ?

Le marché automobile est effectivement bloqué suite aux décisions du gouvernement et, sans doute, cette difficulté supplémentaire et extrêmement spécifique incite-t-elle justement les professionnels à faire appel à nous, et à nous demander un soutien de spécialistes, afin d’avoir une vue plus claire sur leur marché. Pour autant, les difficultés ne manquent pas et nous espérons que la situation changera dans l’avenir.

La marque « Argus » bénéficie d’une notoriété très forte dans l’Hexagone ; comment est-elle perçue en Afrique ?

Au Maroc, au Maghreb et plus généralement en Afrique Noire, le mot est devenu plus générique encore qu’en France, auprès des professionnels assurément, mais aussi des particuliers. Dans certaines douanes, on utilise même des vieux journaux L’argus pour donner un prix. Il faut rappeler que la notoriété de la marque provient d’avant les années 60 puisqu’on vendait, déjà, des journaux en Afrique francophone, dans l’époque de l’après-guerre. Il reste de cette époque historique un certain respect vis-à-vis de la cote par les consommateurs, une cote qui apparaît un peu « brute », mais qui reste une protection au-dessous de laquelle on déconseille de vendre son véhicule, un garde-fou, le point où se situe la transaction.

Question de néophyte : comment établit-on une cote ?

La cote est représentée par une courbe qui décroît, du prix de vente neuf de la voiture à zéro. Elle n’est pas forcément linéaire, son évolution peut ralentir ou s’accélérer, mais elle ne peut en aucun cas remonter.

Pour être plus précis, il existe deux façons d’établir une cote, avec ou sans données. Au Maghreb, il nous a fallu reprendre la technique que nous avions adoptée en France jusqu’en 1997, à savoir travailler sans données, à partir du prix de vente neuf d’un véhicule, lui affecter un calcul mathématique de dépréciation tenant compte de différents paramètres d’usure, de durée de vie du véhicule, d’une perte annuelle de 10 % environ etc. en effet, au Maghreb, les données manquent pour pouvoir établir sur des statistiques fiables, d’où l’adoption d’une méthode que l’on a déjà éprouvée.

Le Cours Argus Moyen® ainsi obtenu est ensuite ajusté en fonction du kilométrage et des options, qui peuvent avoir une forte une incidence. Il y a 25 ans, certains véhicules n’avaient pas de rétroviseur à droite, aujourd’hui les packs d’options et certains équipements différenciants peuvent faire grimper la cote du véhicule de manière significative, et la présence ou l’absence de ces équipements peut avoir une répercussion sur le prix de vente. En Afrique, le nombre de ces options et de ces équipements s’avère moins important globalement, simplement parce que le nombre restreint de véhicules disponibles dans certains pays rend le consommateur moins exigent, et moins demandeur d’équipements supplémentaires.

En France, nous avons fait évoluer cette méthode, parce que nous possédons désormais des statistiques fiables et suffisantes sur lesquelles nous nous appuyons. En effet, nous analysons de manière permanente les 1,5 million de transactions et les dix millions de demandes de cotes que nous voyons passer chaque année dans nos logiciels de gestion et sites Internet. Autour du process mathématique, des experts analysent les prix de marché, interrogent les concessionnaires sur les meilleures ventes, compilent, en fait, tout ce que l’on peut trouver comme données, pour les étudier dans des commissions ad hoc. Des concertations qui ne sont pas consensuelles et font l’objet d’échanges réels, divergents !

Pourquoi émettez-vous une réserve quant à l’impact du kilométrage dans la dépréciation annuelle d’un véhicule ?

Nous voyons des véhicules dont la conception est telle que le nombre de kilomètres parcourus n’est plus aussi significatif qu’avant. Il y a trente ans, Une voiture qui avait 150 000 kilomètres au compteur exigeait des frais de remises en état importants. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, la plupart du temps. Un véhicule peut rouler un million de kilomètres sans qu’il ait besoin d’interventions autres que de maintenance, nous devons désormais en tenir compte dans le calcul de la Cote Argus®. Il faut aussi savoir que des facteurs exogènes entrent en jeu. Dans les pays producteurs de voitures, il faut persuader le consommateur que son véhicule de 150 000 km est bon pour la casse, afin de pousser au renouvellement. Dans les pays nordiques, on accomplit des centaines de milliers de kilomètres, on bichonne la voiture pour qu’elle aille le plus loin possible. C’est aussi lié à une fiscalité très lourde appliquée sur les véhicules neufs.

Parallèlement, en Afrique, nous devons tenir compte d’autres facteurs comme l’importance du climat sur le véhicule (les grands écarts de température), ou encore l’état des routes. La première question posée lorsqu’on évoque une voiture de trois ans s’énonce ainsi : « est-elle née et a-t-elle roulé en Europe ou en Afrique pendant ces trois ans ? ». Cela modifie totalement la donne. Chaque voiture est unique !

Quels sont vos principaux clients au Maroc ?

Notre typologie de clients se compose des gros importateurs de véhicules, des loueurs et des concessionnaires.

Quels sont les services que vous proposez en dehors de la cote ?

Parmi tous nos produits, nous proposons au Maroc la cote, les valeurs prévisionnelles et bien sûr notre logiciel de gestion de stock de véhicules d’occasion. Par ailleurs, nous délivrons de l’information et avons créé le Club Argus à Casablanca. Nous essayons de tout vendre mais ce qui nous est le plus demandé, ce sont les trois principaux sujets que nous avons évoqués ensemble.

Envisagez-vous d’initier de nouveaux métiers à ajouter à votre offre, de nouveaux métiers qui complèteraient les services aux professionnels, comme les assurances par exemple ?

Nous ne souhaitons pas investir des domaines qui pourraient avoir une interaction quelconque, supposée ou réelle, avec la Cote Argus®. Vendre des assurances entrerait en conflit avec le fait de coter un véhicule. Acheter ou vendre des voitures également. Nous serions juge et partie. Nous avons envie de constituer un pilier central dans l’activité de distribution automobile, et c’est tout.

Est-ce que vous avez éprouvé des difficultés à recruter du personnel au Maroc ?

Nous n’avons pas rencontré de problèmes du tout, et nous avons eu de la chance de recruter du personnel qualifié. Le marché de l’emploi est un marché dynamique et l’une de nos activités concerne l’aide au recrutement dans le secteur de l’automobile. Cela a pu jouer !

    Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.rechange-maroc.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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